Subséquemment à son manteau politique, celui d’être proche du Parti au pouvoir, Sékou Camara, rappelons « ex-Directeur général de l’Office guinéen des chargeurs » est l’un des rares cadres au sein du RPG, qui monte au créneau pour répliquer contre tel article ou contre des opinions bancales dans la presse attaquant le RPG et son chef. Ici, pour une deuxième fois, l’énarque réagit par rapport à un écrit de l’écrivain guinéen, Tierno Monénembo, paru dans la presse cette semaine, qui rappelle ce que devait être à ses yeux l’intellectuel.
REACTION – L’écrivain de renommée mondiale, Tierno Monénembo dans son article : « L’intellectuel guinéen à un problème, son ventre est dix fois plus creux que sa tête », reproche à l’intelligentsia noire en général et nationale en particulier de n’avoir pas joué son rôle, qui est celui de tirer le peuple vers le haut.
Si cette affirmation est vraie ailleurs, elle ne peut pas être forcément le cas en Afrique en général et en Guinée, singulièrement pour plusieurs raisons, dont entre autres :
- Les indépendances ont trouvé que la Guinée n’est pas un véritable creuset d’expression pour l’intellectuel. À cette époque, le pays contenait en majorité des illettrés.
- Un intellectuel à travers ses œuvres agit en conseiller pour attirer l’attention des citoyens sur les faits de la société. Un peuple qui ne sait pas lire, ne saurait pas faire usage de ces œuvres. Les chefs dont les abus sont dénoncés, les œuvres n’ont aucune valeur coercitive sur eux. Quand Fontaine dénonçait les abus du pouvoir à travers ses fables, le peuple français savait déjà lire et écrire dans sa grande majorité. Tel n’était pas le cas en Guinée, le 3 octobre 1958.
- Dans les pays où les intellectuels ont accompagné le changement n’ont pas le même parcours historique que la Guinée. C’est la lutte des classes qui est le moteur de l’histoire. Et véritablement, depuis la lutte entre la classe de l’oppresseur (France coloniale) et les oppressés (le peuple de Guinée), il n’y a plus de formation de classes sociales dans notre pays.
Dans un pays tribal, la formation de classe sociale est difficile, voire impossible ; car la bourgeoisie qui devrait être représentée par l’équipe gouvernante et le prolétariat par le bas peuple sont toutes constituées des membres de différentes ethnies qui composent le pays.
- Le repli identitaire est devenu le seul moyen d’appartenance à un parti politique, qui fait qu’en Guinée, dès qu’un membre d’une ethnie accède à la présidence, il retrouve automatiquement en face de lui un membre d’une autre ethnie comme opposant principal. L’adversité politique se transforme en guerre entre ennemis.
- Par le fait de la colonisation, l’Afrique en général et la Guinée en particulier, n’ont pas suivi le schéma classique de l’évolution de la société humaine, qui part de la société primitive, esclavagiste, le féodalisme, le capitalisme et le socialisme. Selon Karl Max.
L’occident a suivi cette évolution de façon linéaire. C’est quand il était à la phase de la République, il rencontre l’Afrique. Et après son départ, l’Afrique qui était au stade esclavagiste, au lieu de retourner à ses valeurs anciennes et poursuivre son chemin historique, a préféré s’aligner sur l’Europe.
On n’émancipe pas un peuple, c’est lui-même qui s’émancipe. Il doit comprendre que le changement de phases est très difficile dans les sociétés où il n’y a pas de véritables classes sociales. Et ce n’est pas une plume ou un clavier qui peut créer des classes sociales.
Karl Max disait : « Lorsque le haut n’en peut plus et le bas n’en veut plus, il y a forcément changement. Dans le cas de l’Afrique, où est le haut ? Où est le bas ? Quand les membres des différentes ethnies se retrouvent des deux côtés ?
Je pense que notre distingué intellectuel doit plutôt inviter ses compères à penser une société où l’ethnie, véritable gangrène de nos sociétés apparaîtra moins ou pas. Comment arriver à une langue nationale ? Comment trouver un modèle d’évolution historique propre à l’Afrique en général et à la Guinée en particulier, puisque nous avons déjà raté le train de Karl Marx ?
Les chefs seront réceptifs à de telles propositions et les intellectuels auront grandement contribué à faire de notre beau pays une cité de paix, que de retourner le couteau dans un trou sur le corps que certains considèrent comme une plaie, d’autres non.
Les défis qui se posent à la Guinée sont énormes pour que les intellectuels s’attardent à tirer les vers du nez d’un passé qui ne fera jamais l’unanimité et continuera d’empoisonner notre coexistence qui se doit d’être pacifique et harmonieuse, garant d’un développement inclusif.
Par Sékou Camara