Le coup d’Etat contre Alpha Condé nourrit déjà moult interprétations quant à la motivation réelle des militaires, dirigés par colonel Mamady Doumbouya, qui a lancé l’assaut, dimanche 5 septembre 2021, contre son bienfaiteur, celui notamment qui l’a doté de tous les leviers militaires pour aider la Guinée à faire face à toutes sortes de menaces, dans une sous-région en proie à la crise terroriste. Mais c’est lui qui a fini par arriver au bout de cette confiance en renversant Alpha Condé et l’humilier publiquement.
L’opposition quant à elle, défend sa thèse comme si ce changement soudain était l’aboutissement de sa lutte contre le troisième mandat. En constatant aujourd’hui le degré d’adhésions au plan politique et même social en faveur des putschistes, peut nous amener à revisiter l’histoire.
La Guinée est un pays qu’on peut compter quand il s’agit de faire vibrer le flambeau souverainiste nonobstant que l’auteur du putsch soit un ancien légionnaire français ; cela vient ainsi en contradiction du fait que dans le passé, l’armée guinéenne n’a jamais fait un coup d’Etat contre un président en exercice. L’épreuve plonge désormais certains citoyens dans la grande réflexion.
Ici nous vous faisons lire Ahmed Sékou Touré, une collection de textes tirés dans (l’Afrique et la Révolution, p 295, 296 et 297) tome XIII.
[Nous avons affirmé publiquement que nous ne sommes pas opposés aux coups d’Etat, car selon notre philosophie, tout acte est un moyen pour le peuple, et tout ce qui peut renforcer son équilibre, sauvegarder ses acquis antérieurs et concourir efficacement à la réalisation de ses aspirations à valeur de nécessité et de légitimité.
Nous sommes donc partisans du changement de tout gouvernement en divorce avec son peuple, car toute institution étatique n’est qu’un moyen au service du peuple. Nous sommes cependant tout autant résolus à dénoncer et à combattre tout changement imposé à un Etat contre la volonté populaire.
Dans le premier cas, lorsque le peuple a conçu, voulu et réalisé la modification de la superstructure de l’Etat, l’harmonie se rétablit entre lui-même et le nouveau pouvoir qu’il a installé. Dans le second cas, lorsqu’une couche réactionnaire s’impose par la force, ou que par la volonté d’une puissance étrangère, un groupe d’hommes renverse un gouvernement légal…
La meilleure preuve pour démontrer que la volonté populaire n’a joué aucun rôle dans les coups d’Etat est à trouver dans la nature des décisions qui ont suivi certains d’entre eux : confiscation pure et simple du pouvoir de la nation par l’abolition de la Constitution, dissolution du Parlement dont les membres sont jetés en prison, interdiction des partis politiques, des organisations syndicales, de femmes et de jeunes.
Ces coups d’Etat sont réactionnaires, car les hommes qui ont ainsi usurpé le pouvoir n’ont aucune liaison organique avec les masses. Ils ne sont issus d’aucune consultation électorale et empêchent, au contraire, toute consultation pouvant permettre au peuple, soit de reconduire ses anciens dirigeants en qui il place toute sa confiance, soit de leur en substituer de nouveaux dans les formes légales.
L’Europe aime à dire — et même à proclamer urbi et orbi — qu’elle est la source de la démocratie et la garantie des droits de l’homme et des peuples. Il devient alors paradoxal — du moins est-ce pour nous une démonstration probante — de constater que tous les Etats européens se sont empressés, face aux douloureux événements que connaît le Continent africain, de reconnaître, appuyer et glorifier l’illégal, et l’illégitimité.
Les Etats qui ont ainsi prétendu légitimer les manifestations de trahison ou les actes d’aventure que constituent les coups d’Etat réactionnaires, sans s’en douter, ont rendu service à l’Afrique dont les peuples conscients réalisent ainsi la nature exacte des rapports que l’Europe entend entretenir avec l’Afrique : rapports de subordination devant retarder l’évolution historique des peuples de notre continent. Notre jugement est donc sans équivoque : l’évolution de l’Afrique ne sera que l’œuvre des peuples d’Afrique et nos peuples se développeront d’autant plus rapidement qu’ils acquerront une conscience historique et progressiste résolument décidée et engagée à réduire les obstacles semés sur leur chemin…]
Par Makoura
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