TRIBUNE – Qu’on se le dise. La démarche de certains intellectuels de notre pays prouve à suffisance la déroute actuelle de la jeunesse qui, aujourd’hui, à du mal à se positionner, faute de repère que devraient constituer absolument ces intellectuels. Ce ‘’déboussolément’’ de la jeunesse tire son origine, à mon sens, dans plusieurs faits spectaculaires que je me propose, à l’instant, de présenter peut-être de manière incomplète, avec espoir que, à travers les critiques, je m’améliorerai pour d’autres textes futurs.
Quelle est l’origine de la déperdition de la jeunesse actuelle de notre pays ?
Comme annoncé dès le début, je ne me lasserai jamais d’accuser certains intellectuels d’être à la base de la nébuleuse qui couvre les jeunes de mon pays et qui les empêche d’être de grands visionnaires, de grands réformateurs. Mais pourquoi porter un doigt accusateur sur ces intellectuels de notre pays ? Me demanderait-on. En voici quelques raisons :
- De la déformation de l’histoire de la Guinée
Pour guider la jeunesse, il importe prioritairement que celle-ci sache en toute objectivité son passé, quel qu’il soit ; sur ce point, que je trouve fondamental, nombreuses sont les publications mensongères qui sont à la base de la culture de la haine qu’exploite malheureusement le politique d’aujourd’hui.
En effet dans ces publications, certains intellectuels guinéens, au lieu, ne serait-ce que superficiellement, parler des raisons qui les conduisirent en prison, comme le camp Boiro, racontent plutôt leurs conditions de détention et en arrivent à la conclusion qu’ils étaient innocents ; pire, dans leurs aventures, ils vont jusqu’à nier systématiquement les actions subversives engagées par certains services spéciaux occidentaux pour déstabiliser le Président Sékou Touré dont l’unique tort a été de vouloir la liberté pour son pays. Or, interrogés sur l’action des services spéciaux européens contre la Guinée, les commanditaires de ces tentatives de déstabilisation, aujourd’hui à la retraite en France, déclarent : » Le général de Gaulle donne le feu vert pour une action globale de déstabilisation. Pendant vingt ans, les complots vont se succéder sur le sol guinéen (…) Le leader guinéen a contre lui l’ensemble du dispositif occidental du renseignement« . (Piscine, Roger Faligot, Pascal krop, 1985, p.245).
Comment peut-on nier ces complots dans les ouvrages diffamatoires alors que les instigateurs européens eux-mêmes reconnaissent avoir agi dans ce sens ? Pour moi, c’est purement une question de mauvaise foi dont la conséquence immédiate est de tromper la jeunesse de notre pays. Parmi les esprits géants de cette campagne d’intoxication, on peut bien citer Alseny René Gomez qui pleurniche dans son ouvrage » le camp Boiro : parler ou périr », Amadou Diallo qui ment honteusement dans son ouvrage » la mort de Telly, » et tout récemment une équipe de journalistes qui s’est donné une nouvelle histoire de la Guinée dont la présentation a tourné au vinaigre dans une salle de Conakry.
Dans la même campagne d’intoxication, se trouve engagés des journalistes comme Alain Foka qui a brillé par son grand mensonge dans son émission sur Telly Diallo, des écrivassiers comme Tierno Monénembo qui ne se lasse pas d’insulter même son peuple.
Qu’est-ce qui, dans la vie de l’homme, est plus capital que la vérité ? Pourquoi passer sa vie à soutenir l’insoutenable ? Je pense, puisque nous sommes sur terre et pour un temps, qu’il sied à l’intellectuel d’assumer ses responsabilités face à l’histoire, surtout face à la jeunesse.
- De la culture de la haine
C’est la conséquence directe de la première raison que je viens de dégager plus haut. En effet, il est clair qu’en organisant les complots contre la Guinée, les services occidentaux, comme dans les autres pays africains qui ont opté pour la voix socialiste, se sont appuyés sur certains hauts cadres civils et militaires pour réaliser leurs opérations. A titre d’exemples, Lumumba et Mobutu au Congo, Moumié Amadou Aidjo au Cameroun, Thomas Sankara et Blaise Compaoré au Burkina etc.
Pourquoi Sékou Touré échapperait-il à la stratégie commune savamment planifiée par certains pays européens ?
Dans ce contexte, il est bien compréhensible que certains se soient vus interpellés, jugés et condamnés conformément à la loi de la République d’alors.
C’est le moment de saluer la mémoire de M. Jean Faraguet Tounkara qui, avant sa mort en Côte d’Ivoire (paix à son âme !), a reconnu à la presse sa participation au complot contre le régime de Sékou Touré. Quoi de plus normal pour cœur saint ?
Ce qui par ailleurs, est plus dangereux, c’est le fait que certains de ces intellectuels présentent le régime de Sékou Touré comme ennemi de l’ethnie peule, en citant souvent Telly Diallo comme référence. Les faits démontrent ouvertement ce mensonge grossier : Telly Diallo a voté « Oui » au référendum, lorsqu’il était au Grand Conseil à Dakar ; Sékou ne l’a-t-il pas présenté pour le poste de Secrétaire Général de l’OUA ? Telly Diallo n’a-t-il pas été Ambassadeur de la Guinée aux Nations-Unies ? N’a-t-il pas été ministre de la justice ?
En ce qui concerne le vote de 1958, les statistiques prouvent que le « Oui » a remporté en Moyenne Guinée, contrairement aux autres régions du pays ; ce qui est normal puisqu’il s’agit de l’expression de la volonté. Mais rattacher l’histoire de la première République à la lutte contre une ethnie ne se démontre pas ; c’est une option que certains intellectuels et certains politiciens ont prise pour diviser les guinéens, plus particulièrement la jeunesse ; sinon, d’après les anciens membres des services de renseignement français, citation : » les troupes de la rébellion sont en grande partie composées d’émigrés Foulah ou Peuls, une ethnie critique envers Sékou Touré ». (Piscine, page 248.) Mais la nomenclature des complots montre que c’était une question de tous les guinéens, je pense au complot Kaman-Fodéba, au complot Petit Touré. Il est vrai, dans une telle situation, qu’il y ait des victimes innocentes ; dans ce cas, il revient aux intellectuels de rassembler les guinéens autour de la vérité et du mensonge grossier qu’ils entretiennent depuis et dont la conséquence est bien visible aujourd’hui.
Je termine en appelant mes frères jeunes de Guinée à ne pas se laisser envelopper par le spectre de l’ethnocentrisme et de la médisance qu’entretiennent certains intellectuels et hommes politiques insouciants ; il est temps de prioriser la formation pour comprendre les choses telles qu’elles ont été et telles qu’elles sont. Vive la Guinée !
Par Mohamed KABA
Vice-Doyen chargé des études à la Faculté des langues et lettres de l’université de Kindia