Au lendemain du Coup d’Etat militaire survenu en Guinée le 5 septembre 2021, nous avons vu la majorité de la presse, de la société civile, de la classe politique, faire allégeance aux putschistes, comme si le mal de la Guinée se résumait à la présence du Président Alpha CONDE à la tête de l’Etat.
A mon avis, il serait opportun que l’élite guinéenne dans son ensemble puisse se questionner sur les crises récurrentes dans notre pays pour en savoir les causes et la thérapie réelle à apporter.
Pour ma part, la Guinée est malade de ses élites, de son administration et de ses politiques.
A la mort de feu Président Ahmed Sékou TOURE, on a jeté le bébé et l’eau de bain, pour ne garder en mémoire systématiquement les côtés obscurs de la Révolution. Or avec le recul, les jeunes générations finissent par découvrir que le bien public était sacré, l’administrateur ou le fonctionnaire se sentait redevable des usagers et tous redevables de la Révolution à cette époque, la patrie était au cœur de nos préoccupations.
A l’avènement de la deuxième République, on a observé un changement brutal du système de gouvernance. Nous sommes passés d’un système Révolutionnaire Socialiste à un système capitaliste et malheureusement, les fondamentaux n’étaient pas réunis et par la suite cela a ouvert la course à l’enrichissement illicite, le culte de la personnalité et la culture du moi.
Le pays fut pris en otage par des clans mafieux au solde des grands commerçants et aggravé par la maladie du Président d’alors. Cette lutte déclencha en janvier et février 2007 une crise sociale de grande envergure, qui finit par affaiblir le feu Général Lansana CONTE.
L’aboutissement de cette crise amena le Général Président à accepter de nommer M. Lansana KOUYATE comme Premier Ministre, qui avait sur papier certains pouvoirs pour amener à bord d’une transition qui ne disait pas son nom. Quelques temps après, le clan du Président reprend la main et limoge son Premier Ministre.
A la mort du feu Général Lansana CONTE, des militaires s’emparent du pouvoir en la personne de Capitaine Moussa Dadis CAMARA, qui a eu l’adhésion presque de tous les Guinéens et la suite fut le 28 septembre 2009. On a fait appel au Général Konaté, numéro trois du CNDD, l’homme fort de la junte pour conduire la suite de la transition.
Certes nous avons réussi à organiser l’élection Présidentielle de 2010 avec ses conséquences économiques incalculables, qui a porté M. Alpha CONDE au pouvoir.
Les démocrates guinéens rêvaient d’une démocratie apaisée mais hélas, le challenger du Président élu promettait l’enfer au nouvel élu. C’est dans cette logique que des manifestations politiques commencèrent de 2011 à 2020 sans répit. On constata alors, le radicalisme prendre du terrain des différents bords politiques de la mouvance et de l’opposition ; aussi l’arrivée de la maladie à virus Ebola en 2014 et la pandémie de COVID-19 en 2019.
Le Président CONDE se lança à la conquête d’un troisième mandat, fut-il pour terminer les grands chantiers qu’il a démarré. Il fut accompagné par son parti et ses alliés et une partie de la société civile Guinéenne.
Après les élections présidentielles de 2020, le peuple s’attendait à une rupture totale de la gouvernance dont le signal devrait être donné par le changement au maximum des ministres. Malheureusement, on constata la reconduction intégrale des mêmes figures. Entre le slogan gouverné autrement et l’équipe gouvernementale mis en place, il y’a une dichotomie. Cela a créé la méfiance entre gouvernés et gouvernants. A cela, on peut ajouter la crise économique liée à la COVID-19, malgré les gestes d’allégement du panier de la ménagère à travers la prise en charge du paiement de 12 mois de facturation de l’eau et l’électricité ; la hausse du prix de carburant à la pompe intervient, la dégradation du trafic routier national, le prélèvement de 5% sur les salaires pour le compte de la caisse nationale de prévoyance sociale et l’INAMO. Cette dernière qui est prélevée sans communication préalable avec les principales concernées. Aucun fonctionnaire ne peut dire à date, quelle serait la limite de la prise en charge maladie ?
Quelles sont les pathologies qui seront prises en charge, les structures hospitalières et les pharmacies référencées ? Les modalités de prise en charge ? Il semblerait qu’il y’a aussi la ponction opérée dans le budget de l’armée … Tous ces facteurs ont contribué à mon sens à créer le terreau fertile pour le soutien d’un coup d’Etat.
Les autorités du CNRD doivent savoir que ses soutiens sont circonstanciels et éphémères car les politiciens veulent le pouvoir, d’autres organisations aussi souhaitent profiter de cette transition pour se hisser au sommet de l’Etat, le bas peuple croit à tort ou à raison que la crise économique trouvera solution.
Ainsi, on doit se poser un certain nombre de questions à savoir :
Que doit-on s’attendre de la transition ? Quel serait la place du bas peuple ? Comment faire une transition apaisée et réussie tout en restant dans le concert des nations ? Quels doivent être les chantiers prioritaires de la transition ?
La réponse à cette dernière question tenant compte de l’analyse de toutes les composantes de la vie nationale permettrait à coup sûr de mener à bien la transition.
- Mettre en place des organes de transition crédibles (gouvernement et CNT) ;
- Mettre en place un fichier électoral crédible ;
- Avoir le consensus sur le fichier électoral ;
- Lancer les audits des régies publiques des gouvernements successifs ;
- Organiser des élections législatives, communales et présidentielles ;
- La réforme de l’administration publique ;
- La promotion du respect de la loi qui est le fondement d’un Etat qui se veut sérieux, démocratique et respecté, condition sinequanun du développement ;
- La justice doit être une priorité ;
- La poursuite des reformes des forces de défenses et de sécurité;
- Adapter notre constitution à notre réalité tout en prenant garde de bloquer juridiquement toute possibilité de changement du nombre de mandat en français facile et la réduction du nombre d’élection ;
- Mettre un gouvernement de technocrate pour gérer au mieux la transition ;
- Faire en sorte que le budget national de développement puisse tenir compte de l’administration déconcentrée et décentralisée du pays ;
- Le redéploiement des agents de l’administration public en tenant compte des profils et compétences des cadres ;
- Faire en sorte que la priorité pour l’enseignement revient au sortant de l’ISEG et des écoles dédiées à cet effet ;
- Faire la promotion des élites qui souhaiteraient donner des cours dans nos écoles et universités en leur accordant des primes spécifiques d’encouragement ;
- Réévaluer les conditions salariales de tous les travailleurs conditions d’une rigueur absolue dans la gestion des deniers publics ;
- Moralisation de l’activité économique et la règlementation du secteur de loyer et du foncier en république de Guinée.
- Seul les régimes d’exceptions peuvent prendre des mesures d’exceptions impopulaires dans le but d’opérer des changements qualitatifs et quantitatifs dans nos états.
Par Karamo Wagué