Alpha Condé est un personnage issu d’une tradition démocratique marxiste avant de devenir social- démocrate – et puis socialiste dans l’âme. Dans son dernier Livre d’entretiens avec François Soudan (Une certaine idée de la Guinée), l’élève du lycée Turgot y définit son parcours politique avec un reluisant chemin, traduisant ainsi un combat politique de non-violence.
Il accède en 2010 au pouvoir dans un contexte rare en Afrique, où 18% a laminé 45% au deuxième tour – et en 2015, il redouble fortement son score en battant son rival Cellou Dalein Diallo avec le (coup KO).
2020 arrive à grands pas, Alpha Condé ne s’est toujours pas prononcé s’il comptait rallonger son mandat à (3) ; son opposition lui prête déjà toutes sortes de velléités à ce sujet. La CENI quant à elle tourne au rythme des acteurs politiques et trébuche encore sur la date des prochaines élections législatives qui doivent se tenir normalement avant fin 2019.
Dans ce schéma du hasard, Alpha Condé sort un discours de compromis dont au fond personne ne connaît l’issue finale, invitant les acteurs de la vie nationale à des consultations pour donner leurs avis sur le projet du changement constitutionnel en débat.
Dans le menu, Alpha Condé instruit son Premier ministre Kassory Fofana de conduire ces consultations tout en sachant que la classe politique de l’opposition est antinomique à lui et n’en veut pas du tout entendre parler du dialogue tant que le chef de l’exécutif ne clarifie pas sa position NON pour un troisième mandat. Sans attendre Kassory Fofana donc se met à la tâche.
Kassory sur la trace de Georges Pompidou
A l’Hexagone, l’histoire des Trente Glorieuses s’étend de 1946 à 1975 où le successeur du Charles de Gaulle a su le remplacer : Georges Pompidou a succédé à Charles de Gaulle dans un contexte social et politique tendu ; la grève des étudiants qui gagné les milieux syndicaux a laissé une tache noire dans le bilan de Charles De Gaulle. En Guinée, Alpha Condé connaissant toutes ces histoires veut préparer ses arrières pour bien sauter. Il a même pris le devant, en tenant le discours du compromis le 4 septembre dernier, qui montre en clair qu’il (veut) entrer dans l’histoire. Mais en le faisant, il se doit la protection, y compris de ne pas se mettre contre la volonté de sa majorité, le RPG-arc-en-ciel.
Certains observateurs semblent admettre que les campagnes pour la nouvelle Constitution n’émanent pas de sa volonté (Alpha Condé). D’ailleurs son discours du 4 septembre dernier l’a démontré qu’il veut laisser aux Guinéens la dure tradition démocratique.
Son Premier ministre Kassory Fofana suit désormais ses traces ; Alpha Condé veut faire de lui son Georges Pompidou pour accomplir ses ambitions pour la Guinée après lui.
Les consultations déjà entamé n’auront (presque) pas de résultats, parce que l’opposition voit en Kassory Fofana les velléités de succéder Alpha Condé. De là, labyrinthe politique commence ; les opposants ne savent plus qui est leur vrai adversaire. Alpha ou Kassory ?
Les récents discours des deux : (Alpha et Kassory) ont tous la dimension présidentielle, c’est-à-dire désormais « on voit un président derrière un président ». Et cela cristallise que Kassory Fofana est vraiment à l’école de Sciences Po d’Alpha Condé.
Moussa Diabaté