Le droit international vient d’être brandi par l’Union Européenne et les États-Unis d’Amérique, après la décision de la Russie de reconnaitre l’indépendance des deux républiques de Dombass. Un droit international bafoué par les mêmes puissances lorsqu’il s’agit d’évoquer la question de la Palestine et autres questions de décolonisation. Algérie54 a interrogé l’auteur et journaliste français Jacob Cohen sur le sujet.
Algérie54:Nous avons lu avec intérêt votre post sur le déni de droit international brandi par l’Union Européenne, en réaction à la décision de Moscou de reconnaître l’indépendance de deux républiques de Dombass. Que diriez-vous plus sur le déni du droit international du peuple Palestinien?
Jacob Cohen:Dans les relations entre États, le droit international n’est que l’ébauche d’une volonté de se conformer à certaines règles. A la différence du droit interne propre à chaque entité étatique, énoncé par un juge souverain et dont les décisions sont exécutables même par la force, l’application du droit international est laissée à la libre discrétion des États et donc soumis au rapport de forces. On peut ainsi appliquer des sanctions contre la Russie mais pas contre Israël. Il serait inconcevable des faire juger les États-Unis d’Amérique pour leurs nombreux agressions, invasions, bombardements, et divers crimes contre l’humanité. L’erreur tragique des dirigeants palestiniens est de s’accrocher au droit international, qui leur donne absolument raison depuis 1948, mais qui n’est qu’un chiffon de papier, un chiffon que la diplomatie mondiale agite pour les maintenir dans l’obéissance et la patience. L’Union Européenne en est la championne dans l’abjection. Il y a quelques années, elle avait décidé de ne pas permettre la mention « made in Israël » pour les produits provenant des colonies israéliennes. Même cette règle n’est pas appliquée. Alors compter sur elle pour obtenir un État palestinien… « La solution à deux États » est une belle arnaque qui dure depuis trente ans. La « justice » est la dernière des valeurs qui s’appliquent pour résoudre les conflits. Depuis les Accords d’Oslo, les dirigeants palestiniens ont fait preuve de naïveté, de lâcheté, de trouille, d’ignorance, d’aveuglement, de compromission, de soumission, de trahison. J’ai envie de dire, tristement et cyniquement, qu’ils n’ont que ce qu’ils méritent. Car enfin, ils possèdent une arme politique extraordinaire : Dissoudre l’Autorité palestinienne, livrer toute la Cisjordanie à l’autorité de l’occupant sioniste, renoncer à un « État » palestinien qui ne serait au mieux qu’un Bantoustan, et montrer au monde ce qu’est la réalité sioniste. Cette perspective est le cauchemar de toutes les chancelleries. C’est pour cela qu’elles promettent monts et merveilles aux Palestiniens et acceptent le vote de toutes sortes de résolutions en leur faveur, résolutions aussi creuses qu’inopérantes.
Algérie54:Le Hezboallah vient de lancer le drone »Hassan » qui aurait survolé l’espace aérien de la Palestine Occupée, sans être intercepté par le Dôme de fer. Est-ce une nouvelle donne dans les rapports du conflits entre l’entité sioniste et la résistance?
Jacob Cohen:Je ne crois pas à un bouleversement technologique. Même si tout ce qu’on a dit sur le périple du drone Hassan était vrai – il faut faire la part de la guerre psychologique – le régime sioniste peut trouver rapidement la parade. Dans ce domaine, Israël appartient au peloton de tête mondial, et parmi ses clients on trouve de grandes puissances. Le plus intéressant dans cet épisode se trouve dans l’obstination du Hezbollah à vouloir tenir tête, coûte que coûte, à l’arrogance sioniste, et même à la titiller dans son domaine de prédilection. A notre connaissance, c’est la seule force arabe qui résiste vaillamment les armes à la main et qui fait passer un frisson de crainte chez les Israéliens. Le Hamas et les groupes de résistance en Cisjordanie ne comptent pas. On peut même dire qu’Israël s’en accommode pour maintenir une tension d’intensité basse ou moyenne. Le régime syrien a décidé depuis 1973 d’éviter toute confrontation militaire, même lorsque l’aviation sioniste bombarde régulièrement son territoire. Le Hezbollah pose un vrai problème aux Israéliens. C’est la seule force qui les a fait sortir, la queue entre les jambes, d’un territoire arabe conquis et convoité, en l’occurrence le Sud-Liban. Quant au conflit de 2006, une des plus puissantes armées du monde contre quelques milliers de résistants, ce fut une quasi-humiliation pour les sionistes, et ils s’en souviennent, et ils ne sont pas prêts à renouveler l’expérience. La plus grande crainte des sionistes réside dans l’arsenal des missiles détenus par le Hezbollah et qui pourrait détruire en quelques jours les pistes des aéroports civils et militaires, le quartier général de l’armée sioniste à Tel Aviv et quelques fleurons de l’industrie technologique. Dans ce cas malheureusement le Liban paierait un prix terrible lorsqu’on connaît l’hystérie destructrice des Israéliens. Enfin disons que l’aventure du drone Hassan apporte du baume au cœur dans cette période sombre pour la Nation arabe.
Entretien réalisé par M.Mehdi