En Guinée très peu de gens s’intéressent au libre. Souvent le temps y fait défaut. D’autres ne s’intéressent même pas. La vie politique domine presque le débat public, tant au niveau de l’espace médiatique qu’au niveau des personnes censées en parler. Dans cette béance injustifiée, c’est-à-dire, l’absence du débat littéraire par excellence au niveau de la jeune génération, qui s’attache mieux que sur les réseaux sociaux. Votre quotidien en ligne s’est forcé auprès de l’auteur du livre « La Pitié dans le mortier », afin d’en parler littérature : principalement de son livre. (Entretien)
Qui est Souleymane Koita ?
Portrait. Souleymane Koita est né à Siguiri, dans la savane guinéenne, écrivain, administrateur civil, diplômé de Droit et de philosophie de l’université Guinéenne, soucieux de l’émancipation de la couche juvénile. Et marié à une femme dont deux garçons.
Pourquoi s’intéressez-vous à la littérature vu ton jeune âge, on sait qu’en Guinée le phénomène est rare ?
Souleymane Koita : Nous sommes face à la globalisation culturelle et les nations qui résistent face à cette mondialisation, sont ces nations qui font usage de leur culture pour éviter la perte d’identité. Il y a une panoplie d’écrivains qui nous a devancé dans les actions littéraires, mais la relève mérite d’être assurée par la jeune génération qui doit accepter de se défaire de cette peur du regard des autres.
Notre littérature était considérée comme une littérature marginale qui n’était parlée dans les médias ni vendue dans les librairies du monde, elle était à l’holocauste.
Grâce au travail abattu par tous, notre pays a connu en 2017, l’événement culturel mondial de l’année CONAKRY CAPITALE MONDIALE DU LIVRE.
A ce jeune âge, il m’était devant, cet énorme défi à relever, celui de faire savoir aux jeunes Guinéens que l’écriture n’est pas seulement que pour la vieille génération.
Partez dans les autres pays d’Afrique, de l’Europe, vous y trouverez des jeunes écrivains âgés entre 20 et 35 ans.
C’est une mauvaise tradition qu’on a instaurée chez nous et il faut la balayer d’un revers. Pour le faire, il faut montrer l’exemple et c’est cet exemple que j’ai donné aux jeunes.
Que signifie le titre de votre livre, « la pitié dans le mortier » ?
Souleymane Koita : « La pitié dans le mortier » est un calembour dans lequel nous trouvons le mot « pitié » qui est cet ensemble de sentiments douloureux face à la souffrance d’autrui et le mortier est cet instrument de travail utilisé par les femmes dans le domaine culinaire en vue de malaxer les aliments.
L’homme tient de nos jours, son pilon sur la pitié étant une valeur sociale et humaine dans le mortier.
Ce titre signifie que la pitié, l’humanisme tendent à disparaître dans nos sociétés.
Notre société est-elle vivante ou morte ?
Quels sont les faits de société qui t’ont marqué ?
Souleymane Koita : L’immigration des jeunes d’Afrique, le mépris à l’endroit des mendiants, la question des enfants de la rue, la mal gouvernance, la réconciliation nationale, la souffrance des enfants adoptifs, l’usage des jeunes dans les manifestations politiques, la course à l’héritage, la mort des jeunes dans les éboulements dans les mines d’or, la souffrance des orphelins, la mendicité des policiers de la route, les méfais du colon, le chômage des jeunes sont entre autres ;les faits de société qui m’ont marqué.
Est-ce aujourd’hui le livre à des lecteurs, et quel est votre public-cible ?
Souleymane Koita : Là ; il faut s’en féliciter, je trouve aujourd’hui, une charpente de lecteurs à travers le monde, l’Afrique et la Guinée.
Aujourd’hui, je ne suis pas en mesure de satisfaire la demande de tous ceux qui désirent, lire mon livre.
Pendant trois(3) mois il y’a plus de 300 exemplaires vendus à travers le monde, toutes versions confondues.
Je salue la volonté attachée, l’interret accordé de cadres, élèves, étudiants et hommes de métier.
Mon public-cible est l’homme en tant que membre de la société humaine sans de distinction aucune, quelque soit le rang social.
C’est dans ce ordre d’idées que je fais des interventions radiophoniques dans au moins une langue nationale pour favoriser l’appropriation de son contenu à ceux qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école.
En termes de revenu, de quoi espérez-vous ?
Souleymane Koita : Il faut le dire sans ambages, la plume ne nourrit pas son homme.
Je suis surtout avec une maison d’éditions françaises qui respecte les droits de ses auteurs bien élaborés dans un contrat, mais nous dépensons plus que ce que nous pensons gagner.
La somme des frais d’éditions d’une unité de livre et les frais logistiques dépassent de loin, le prix de revente en Guinée sachant que le Guinéen achète moins le livre. Vous ne trouverez pas cet écrivain qui se tient en charge par le biais des revenus de ses œuvres. Quand on écrit, on est soucieux d’être lu à tel point qu’on accepte souvent d’offrir des exemplaires à titre gratuit aux amoureux de la lecture .Nous nous contentons de la notoriété issue du métier.
Qui vous finance ?
Souleymane Koita : C’est là où je suis plus confronté au sérieux des problèmes.
Je finance mes activités littéraires grâce à mes propres petits fonds, l’aide de mes frères de famille, certaines personnes de bonne volonté soucieuses de l’atteinte de mes objectifs fixés surtout dans la promotion de la culture et l’éducation Guinéennes.
Que comptez-vous faire dans l’avenir, quand on sait que la littérature en Guinée est absente du débat sociétal ?
Souleymane Koita : Avec l’accompagnement de nos frères et jeunes cadres, je commence d’abord au prochain mois de février par tenir une conférence scientifique sur mon livre à Siguiri en vue de favoriser l’appropriation de son contenue au public en créant une ambiance de taille entre l’auteur et le public admirateur.
Par cette conférence, nous organisons un concours de déclamation des poèmes, Prix Fodéba Keita entre 14 établissements scolaires pour promouvoir la culture de l’excellence à Siguiri.
La révolution culturelle amorcée par cet intrépide compagnon doit continuer pour la survie de nos valeurs.
Quel message avez-vous à lancer à l’endroit de la génération de ton âge ?
Souleymane Koita : C’est de les dire que la nation compte sur nous pour son décollage culturel et littéraire et cela passe nécessairement par le livre et la lecture publique qui sont de armes coriaces de résistance.
N’acceptons pas que les autres viennent décrire nos réalités à notre place.
Merci !
Propos recueillis par Mamadou Dian Bah